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dimanche 2 juillet 2017

Truc complet, mais en cours d'écriture. Les chapitres récemment ajoutés sont signalés.

Peut-être Lundi 13h50.
L’heure d’un doux début de matinée. L’heure d’un doux début de matinée, et d’un réveil entre flaques de vomis et liquides visqueux. La porte est défoncée, et les gémissements de Paul m’indiquent qu’il ne doit pas très bien dormir. Mais revenons sur la porte. Elle est défoncée. Il nous manque la télé, la tour d’ordinateur et la collection de Bossa Nova de Paul. Merde, ils étaient chouettes ces CD. 

Premier café.
Est-ce que la porte a encore été défoncée cette nuit, ou est-ce que ça fait une semaine qu’on a oublié de la changer ?

Second café.
Laissez-moi me souvenir. Lundi dernier, vers 3h du mat, on frappe à la porte. Je suis dans ma chambre très occupé. Trop occupé pour aller répondre. Suite logique : ils défoncent la porte, j’entends un corps heurter le sol, et ils entrent dans ma chambre.

Troisième café, que je réchauffe après m’être rendu compte que je viens de boire deux cafés froids. Donc, ils entrent dans ma chambre, Iris prend peur et descend du lit. La seconde pute n’a pas peur et continu son travail. Pierre –qui fourni les putes- avait raison, les russes sont plus professionnelles. Celle-ci s’appelle Victoria. Les deux mecs ne sont que des flics.

Je me souviens avoir été soulagé que ce ne soit pas mon éditeur.

Premier rail de coke. Mon cerveau ne s’éveille réellement qu’à ce moment là.
Je me souviens avoir aperçu Paul, la face contre sol. Tout s’éclaire. Ce ne sont que de gentils flics qui ont ramené Paul. Le pantalon baissé de mon comparse inconscient, et les traces de semence autour de son cul ne sont qu’un détail. Je vois le troisième agent fouiller dans la veste de Paul, passer une partie des billets dans sa propre poche, et donner le reste à ses collèges. Puis ils s’en vont.

Tout s’était donc bien fini. Pourquoi, je vous raconte ça ?
 Ah oui, la porte.

Second rail de coke. Je referme mon peignoir pour éviter de laisser ma bite à l’air, et j’enfile des sandales pour être plus présentable. Je compte aller observer la porte, voir si il faut entièrement la changer, ou si quelques planches suffisent.
Problème ; sur le chemin une de mes jambes cède. Je tombe lourdement sur le sol.

Merde.

Une flaque de sang commence à se former.

Merde.

Je regarde ma jambe. Elle n’est pas pliée dans le bon sens.

Merde.

J’entends monter les escaliers qui mènent à notre palier. Pitié que ça ne soit pas notre éditeur. Notre homme de ménage apparaît à la porte.

Cool. Ce n’est pas l’éditeur.

 Je crois que j’ai perdu connaissance à ce moment là.

Guy

 Note :

Mettons les choses au clair; la première chose que vous devez savoir c'est que je ne suis jamais fais enculer.
La seconde c'est que vous ne devez jamais croire l'autre narrateur.
Jamais.
C'est un cocaïnomane notoire, tellement défoncé qu'il est maintenant obligé de s'injecter des trucs en intraveineuse dans la queue pour pouvoir bander. Ou du moins avoir un semblant d'érection et ne pas passer pour une pauvre merde devant les putes de seconde zone qu'il se tape continuellement. Sans rire, ne faite jamais confiance à un impuissant.

C'est d'ailleurs tout à fait regrettable. Avant d'en arriver à ce niveau de déchéance c'était un type bien. Moi aussi. Enfin, je crois.

Disons que la parution de 57 à changé beaucoup de choses.
Au départ ça a été un bide. On l'avait fait publier par une boîte d'édition sur internet. Aucune promo, des vrais petits enculés. On s'en foutait un peu en fait, 57 était un jeu, un défi littéraire qu'on s'était lancé. L'écriture avait été un vrai bordel. Mais rapidement une version .pdf a fuité sur Reddit et notre pièce est devenue un phénomène viral. Une grande boîte d'édition sentant le coup juteux l'a récupéré et c'est là qu'on s'est vraiment fait publier.
 Ça a été le carton que vous connaissez et peu de temps après on commencé à légèrement déconner.

Paul


Mardi :
Guy.        

Maintenant, imaginez ce à quoi j’ai rêvé.
Une infirmière, une prostituée et mon homme de ménage, préparent des hot-dog dans ma chambre, apparemment dans une chambre d’hôpital. Ils sont habillées de manière sexy, sniffent des trucs et rient très fort.
 C’est un rêve, alors personne ne les dérange.
 A ma gauche, un vieux. Un vieux dans son lit d’hôpital. Ce qui attire mon regard vers lui, c’est le bip strident qu’émet la machine à coté de lui.
Il ne bouge plus.
Rentre un mec en costard. Il a des lunettes de soleil et une incroyable tête de connard. Ah oui. C'est mon éditeur.
"Putain même dans mes rêves il vient de faire chier".
Il passe devant moi en me jetant à peine un coup d'œil, et ne s'arrête qu'une fois à côté du lit de mon voisin.
 Il lui met une claque, qui ne provoque aucune réaction, puis il s'exclame "il est mort".
Mon éditeur revient vers moi en enlevant sa ceinture. Il baisse son froc. Il sort sa bite. Il me pisse dessus.
Ce moment est incroyable ; j'ai l'impression de pouvoir sentir le liquide chaud dégouliner sur mon visage. Puis remettant son sexe à sa place, il saisit sa ceinture. Il ne la replace pas autour de sa taille mais me menace avec, en gueulant des trucs, le doigt pointé vers mon voisin.
Je suis dans un rêve lucide, alors je n'hésite pas à lui faire un doigt.
Il devient tout rouge. Il me fout une énorme tarte.
Attends..mais...
 Ne me laissant pas le temps de finir de réfléchir ma respiration se bloque. Il vient d'abattre sa ceinture sur mon ventre. Merde, Merde, Merde. Ce n'est pas un rêve.

Voilà. Voilà ce qu'est ma vie depuis qu'on a écrit 57.
C'est un enchaînement illogique d'événements.
C'est une succession de rêves.
La gloire, l'argent, la drogue, le sexe et l'alcool, bien sûr, mais aussi tous les points négatifs du rêve, tous les retours de réalité. Ceux qui viennent directement te frapper la gueule, et te rappeler que tu ne vaux pas mieux que n'importe quel peigne-cul qui travaille 5 jours par semaine.
Je continue malgré à avoir un avantage non négligeable sur le connard lambda ; j'ai du fric à ne plus savoir quoi en foutre.
J'ai du fric à ne plus savoir quoi en foutre, et je vous emmerde.
Ces deux éléments me permettent de me marginaliser et de ne me soucier que de ma gueule, ce qui reste une supériorité certaine.
Paul appelle ça « le suicide social ». Mais Paul, je l’emmerde.


Il faut sortir de l’hôpital : les conneries des deux putes et de l’homme de ménage ont provoqué l’arrêt cardiaque du vieux. Enfin, c’est ce qu’on a vu le lendemain aux info.
La violente douleur de la perfusion que l’éditeur vient d’arracher de mon bras vient s’ajouter à celle de son coup de ceinture. Je suis complètement dans les vapes, et j’ai mal. Alors je me laisse faire.
Il gueule sur l’homme de ménage de virer les deux putes et d’aller chercher un brancard. Alors qu’Antoine, l’homme de ménage, sort de la chambre, l’éditeur ouvre l’étagère du vieux. En me ramenant les vêtements et le portefeuille du mort, il se met à faire ce qui me pousse à éviter sa compagnie.
 Il me parle.
« Tu t’attendais à quoi ? Que je t’apporte tes vêtements ? J’ai pas que ça à foutre. Et ça va, lui il n’en aura plus besoin ».
Antoine rentre à ce moment là, avec son sourire de con. Celui qu’engendre la fierté d’accomplir les tâches qu’on lui confie. D’habitude c’est nettoyer notre vomis, faire les courses et laver nos chambres, mais là il a réussi à trouver le brancard qu’il nous faut. Bon, il y a déjà un mec dessus, mais croyez moi, quand on se trimbale un débile comme Antoine, on est prêt à passer sur certains détails.
 « Allez, c’est pas grave Antoine, on peut encore fuir discrètement » déclara l’éditeur, se voulant rassurant envers lui.
L’énorme pain dans la gueule du mec qui occupait le brancard qui m’était destiné m’a libéré la place. Ils m’habillent, me transportent sur l’espèce de lit à roulettes, et nous voilà sortis de la chambre.
C’est en passant la porte, que nous avons comprit comment Antoine avait trouvé le brancard. Une infirmière gît sur le sol. Il y a même un peu de sang au dessus de son œil. Il commence un peu à se répandre sur le sol. Ce  fils de pute a tabassé une infirmière qui transportait un patient.
« bon, tant pis pour la discrétion » lâche l’éditeur devant les quatre médecins et l’agent de sécurité qui  examinent le corps inerte de l’infirmière.
Un coup de tazer sur l’agent de sécurité (l’éditeur dit que c’est l’outil numéro 1 d’un bon responsable de publication) combiné à la surprise des médecins nous permet de nous engager dans le couloir. 
On arrive dans l’ascenseur. Les 3 mémés déjà présentes dans l’ascenseur s’écartent. Du 3ème étage au parking j’ai le temps de réfléchir.
On est en train de fuir d’un hôpital où on a tué quelqu’un. On y a aussi tabassé une infirmière. Le tout avec mon homme de ménage en porte-jarretelles (j’avais dis qu’il était habillé de manière sexy), un éditeur névralgique, et moi, dans un lit et drogué à la morphine. Ma vie depuis la sortie de 57.
Une mémé prend la parole « ça sent la pisse ici ». Ah...oui. Merde.
Une fois au Parking et après que l’éditeur ait soutiré l’argent des 3 bourges (ce connard s’est justifié en expliquant qu’il n’avait pas de quoi payer le Parking, et en les menaçant de les violer), on est directement allés à la voiture. Cet enculé d’éditeur a payé sa Lamborghini grâce à moi. Et un peu grâce à Paul. En tous cas, grâce à 57. C’est aussi à cause de 57 qu’on l’a sur le dos et qu’il nous force à écrire. Mais au moins, il ne peut pas nous buter, alors nous on s’arrange pour l’emmerder au possible. Mais parfois il s’occupe de nous. Genre là c’est lui qui m’a fait rentrer à l’hôpital sous une fausse identité.
Et c’est ainsi que notre fuite de l’hôpital s’est terminée. Plus ou moins. Quelques détails comme le coup de tazer sur le gardien du garage pour éviter de payer la place ne méritent pas d’être contés.

Bref on a parlé de nous, le soir aux info.

Guy.

Bon. En fait on n’a pas vraiment « légèrement déconné ». On a déconné grave.
57 était devenu le manifeste de notre génération. Le livre de chevet de chaque mec entre 18 et 25 ans.  Plusieurs sociologues avaient tenté d’analyser pourquoi ce bouquin parlait tant aux gens. Un véritable phénomène de société, sans dec.
Olivier Py l’a mis en scène à Avignon. Les critiques et les homosexuels en mocassins étaient d’accord pour dire qu’il s’agissait de la meilleure chose qui soit arrivé en 71 ans dans ce festival de merde. Résultat : cinq  Molières, et beaucoup de biff.
Stephen Sondheim l’a mis en musique et en a tiré une comédie musicale (jouée sans interruption depuis sa création il y a maintenant deux ans, à Broadway). De son propre aveu, il n’avait « jamais travaillé à partir d’un matériau aussi riche ». Résultat : sept Tony Awards et beaucoup, beaucoup de biff.
… bla bla bla … Netflix… bla bla bla… mini-série…bla bla bla… 9 Emmy awards et 2 Golden Globes… bla bla bla… assez de de biff pour niquer ta mère[1] .
Bref. Faut juste retenir que très vite (à part se faire du biff.   Beaucoup. Vraiment beaucoup. Vraiment très très très) on a été soumis à exposition médiatique assez extrême. Au début c’était seulement désagréable. A la fin, insoutenable. Un vrai cauchemar. (Mec, on est passé chez Hanouna…)
Ensuite on s’est engueulé.
A l’époque il sortait avec une zouz. Moche. Et féministe[2]. J’avoue j’ai un peu fait le con, à force de lui dire en face qu’elle était moche et conne (comprenez moi, elle ne méritait pas Guy. Peut être que quelque part c’était de la jalousie. De l’amour. Platonique. Ou alors de l’homosexualité refoulée) elle a finis par retourner vivre chez sa mère. O.K. peut être qu’une fois je l’ai frappée. Mais sans violence.

Depuis on avait plus ou moins arrêté de se parler.
Jusqu’à ce que cet enculé d’éditeur ne revienne vers nous.

Paul.


[1] A supposer que ta mère soit une pute de luxe et qu’elle facture la simple pipe quelque chose comme, disons l’équivalent de trois smics. Brut le smic, hein. Sinon ça n’a pas de sens.
[2] Je me demande de plus en plus si de nos jour c’est pas en train de devenir un putain de pléonasme. Sincèrement, je plains mes enfants qui ne pourront plus appeler une grosse moche une « grosse moche ». 

Guy :

Laissez moi vous parlez d’Antoine.
Antoine était notre ami.
Quand je dis ami, je veux parler du sens fort du terme. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ».
Antoine fait partie des personnes ayant gravité autour de nous lors de l’écriture de 57.
Il nous a un peu aidé et comme c’était notre ami, il a lui aussi profité de la parution de 57.
On s’en branle.
Alors pourquoi je vous en parle ?
Parce qu’il est le reflet de ma vie. Mon futur. Tout est allé beaucoup plus vite pour lui.
Tout est allé beaucoup trop vite pour lui.

Il avait une petite expérience de la scène avant 57. Il nous a un peu coaché pour nos apparitions télévisées, et pour l’adaptation du truc au théâtre.

Le soir de la 1ère représentation, on l’a retrouvé au bordel.
Le soir de la 2nd représentation, il était dans une salle de jeux illégale.
Le soir de la 3ème représentation, il s’est retrouvé en prison après avoir tué deux mexicains pour aider le gang duquel il s’était rapproché.

Cela n’a prit qu’une semaine.

5 ans plus tard il est ressorti grâce à la complicité du juge. Il est devenu végan, et a arrêté l’alcool, les putes et la drogue.
Il voyait un psy.
Un putain de psy.

Puis il a commencé des stages de Yoga.
En plein cours de Yoga, 5 mecs en costars blancs sont rentrés, ont buté les vieilles qui assistaient au cours, ont violé la prof de Yoga, et ont tabassé Antoine à mort.
Du moins, ils le croyaient.
Multiples fractures, hémorragies, fracture crâniennes, puis perte d’usages d’organes et de membres. 
Il est devenu attardé.
Et impuissant.
Il ne devait jamais sortir de l’hôpital, sa famille n’en voulait plus. Il n’avait plus rien.
Sauf nous.
On l’a recueilli, donné un travail à sa porté, et il se sent utile.

Pourquoi je vous raconte tout ça sur Antoine ?

Je pense que je ne suis pas capable de construire une relation.
Je pense que je ne pourrai plus jamais être ami avec Paul.
Je n’ai plus de copine.
Plus d’ami.
Pourtant j’en ai besoin. Vraiment besoin, comme m’a dit le docteur.
Il m’a dit ça alors que je sortais d’un mois en hôpital psychiatrique après ma tentative de suicide.  Paul n’est pas au courant. Il me pensait à la Havane avec un Général Cubain.
Un général Cubain…
Je l’ai inventé pour lui faire croire que j’ai un ami. J’étais bourré. Et shooté.

Je suis déjà comme Antoine. Un légume. Un déséquilibré.
Pathétique.
Et comme le montre l’histoire d’Antoine ; irrécupérable.

Je vous emmerde bande de fils de putes.




     C’est donc sous dextropropoxyphène ou autre médoc qui ferait pâlir n’importe quel Junkie de jalousie que je me suis mis à me poser des questions dans la voiture.
J’avais un peu honte.
Vous savez, le genre de questions qu’on se pose lorsqu’on a 15 ans et qu’on est victime de montée d’hormones.
« Pourquoi je fais tout ça ? Comment sera le futur ? ».
 Le genre de question que je ne me pose pas.
Que je ne me suis peut-être jamais posé.
Déjà parce que c’est pas mon caractère, peut-être, sûrement aussi parce-qu’avec toutes les merdes que je me suis injecté je n’ai jamais eu de montée d’hormones.

Bref, de tous les souvenirs qui auraient pu me venir à l’esprit, de toutes les situations vécues potentiellement utiles en ce moment, ou de toutes les réflexions possibles une seule pensée a été capable de me faire oublier que je venais de vomir pour la troisième fois dans la voiture.
L’éditeur m’engueulait.
Antoine était apeuré par le bruit. Il ne devait pas non plus aimer le vomis qu’il avait reçu sur les jambes.
Et moi, embrumé, planant, je ressassais une rencontre qui, j’en étais déjà persuadé, allait influencer les prochaines années de ma vie.

                3 ans plus tôt, notre pièce de théâtre était déjà sortie depuis un certain temps. On ne contrôlait vraiment plus rien. Et on ne se contrôlait certainement pas nous même. Alors on a eu une idée. On est allé visiter des pays étrangers. Partis loin de l’agitation.
On ne nous reconnaissait pas.
Qui pourrait reconnaître un Alan Moore, un Warren Ellis ou bien un Stephen King si il le croisait dans la rue ?
On a refusé toutes les télés, toutes les interviews. On s’est arrangé pour habiter dans des endroits insoupçonnables.
On passait nos journées à se fondre dans la masse ou a côtoyer des lieux infréquentables.
Ça nous a un peu fait redescendre sur terre.
On est pas mal resté en Asie. C’était calme.
Une de nos connaissances nous avait conseillé un bar/ Casino différent de tous les autres.
Déjà il était illégal.
Ça se passait en sous sol d’un supermarché d’importation de trucs occidentaux. De la bouffe, des vêtements, de la coke de qualité, des trucs comme ça.
C’était tranquille.
Y’avait un petit asiat nerveux mais c’était tout.
A un moment un homme en costard est rentré dans la salle, nous dire que « Monsieur Y. va peut-être venir ».
Monsieur Y. c’est le gérant du truc. Probablement un Monsieur Yun, ou Yeng.
C’est 10 minutes plus tard que ça a déconné. Le petit asiat taré a commencé à gueuler.  Il était persuadé qu’on lui volait son fric. Il a pété la gueule du croupier.
Nous, on a pas bougé. On ne voulait pas de problème.
Trois mecs sont rentrés, l’ont tabassé, et sont allé chercher Monsieur Y.
Quand il est arrivé, tout le monde s’est levé. Même le taré au sol a essayé de se lever. Deux mecs l’ont attrapé et l’ont présenté devant Monsieur Y. Ils l’empêchaient de bouger.
Monsieur Y était assez grand.
Plus que Paul.
Moins que moi.
Il avait un chapeau noir qui ne laissait pas apparaître sa potentielle chevelure. Son pantalon noir troué était simplement orné d’une chaîne métallique qui pendait de sa poche.
On ne voyait que la partie inférieure de son visage, mais on pouvait en déduire qu’il n’était pas asiat.
Il sorti une montre à gousset de sa poche de veste. Il la regarde. Lève les yeux vers le taré, et lui dit un truc en une langue asiatique. Le taré laissait apparaître de la peur, mais aussi...une sorte d’incompréhension.
Puis Monsieur Y. relève la tête vers nous ; « Elle ne fonctionne pas » annonça-t-il. Un rire de hyène s’échappa de son sourire tendu.

Puis il donna un énorme coup de latte dans le ventre du mec.
Rire.

Il fixa Paul.
Rire.

Il nous tourna le dos, nous dit « ravis de faire votre connaissance. Vous me plaisez. ».
Il sorti de la pièce, laissa un moment calme de quelques secondes, puis retenti sa voix criant :
« Carpe Diem ».

Certain auraient fait abstraction de cet épisode, d’autres auraient pensé que cette entrevue était terminée, mais je crois que personne n’aurait pensé que ce n’était qu’un début.

Guy.

                Le reste du trajet vers la maison consiste à une succession d’engueulades de l’éditeur, de vomis sur Antoine et de réminiscences de souvenirs sans aucun intérêt.
Mon subconscient a cette incroyable et inutile faculté à me faire remonter des éléments de ma vie à des moments improbables et parfaitement aléatoires. Parfois, par hasard, ces souvenirs s’avèrent utiles. Mais le plus souvent c’est le souvenir de sextoys douteux enfoncés dans le cul de Paul ou une prostitué me suppliant pour une quelconque pratique sexuelle déviante qui survient alors que j’essaye de me rappeler de mon code de carte bleue.
Mais depuis 3 mois tout va mieux, j’ai perdu ma carte bleue. 

On arrive à la maison. Je me pète la gueule dans les escaliers. l’éditeur me marche dessus. Antoine m’aide à me relever. On passe la porte d’entrée, l’éditeur file du fric au mec qui est venu la réparer, Paul me voit arriver et entre deux gorgés de whisky de basse qualité il m’insulte, puis se prend un coup de pied de l’éditeur.  Je m’écroule sur mon lit.

Il ne s’est plus rien passé de notable avant la semaine suivante.

La semaine suivante.
Nuit de sommeil agité, comme toutes les autres.
Les cachets de merde ne servent plus à rien. Alors qu’inexplicablement, la clope a toujours un effet réconfortant.  
Si je la fume sur le toit, cet effet est dédoublé.
Je franchis tous les obstacles. J’arrive à me lever. A marcher. Bite à l’air, naturellement, j’arrive à ouvrir la porte. Je sens que mon estomac a envie de quitter mon corps. Je n’ai aucune perception de ce qu’il y a autour de moi.
Je pète une merde qui était posé sur mon chemin. 
Ca réveille Paul.
Qui me traite de fils de pute.
Qui me lance une tasse vide.
Qui atterrit je ne sais où.
Rien ne me permet de savoir si elle m’a heurtée.
Je suis simplement au fond d’un océan de merde dont les flots me permettent les seuls soubresauts dont mon corps est encore capable.
Je tiens, simplement porté par les emmerdes de cette vie de fils de pute. Et par mon incapacité à prendre la décision de me laisser crever.   

Allez-vous faire foutre bande d’enculés.

Je saisis le paquet de clopes, je monte à l’étage.
Etrangement c’est dans ce petit escalier miteux, puant la pisse, que je vais un peu mieux.
 Je me concentre.
 Je veux lever une jambe, puis l’autre.
 Je me concentre.
Puis je parviens à le faire un peu plus naturellement. J’ai un peu moins mal au cœur.
Un simple coup d’épaule sans force dans pour ouvrir la porte en métal.
Un simple coup d’œil pour voir Antoine, debout sur le rebord du toit, face au vide.
L’envie de crier. De lui ordonner de ne pas faire le fils de pute et de ne pas sauter.
A la place, du vomi. Plein de vomis. Je tombe à genoux. Je perds toutes mes forces.
Ma face s’explose contre le sol, heureusement amortie par mon vomi.
Antoine se retourne. Nos regards se croisent.
Il saute.
« Parce qu’il est le reflet de ma vie. Mon futur. Tout est allé beaucoup plus vite pour lui ».
Je me suis trompé.

Cet enculé a eu beaucoup plus de force, de courage et de lucidité que moi.

Pas de remède pour moi.
Pas de remède à moi.
Je dois juste crever.
Bordel de merde.

Guy.


 Antoine.

 Fait frais ici.

Tiens c’est Guy. Il est gentil Guy.Enfin un peu moins maintenant, et puis là il a pas l’air dans son assiette, mais c’est vraiment un chic type. D’abord il a toujours été là  pour  moi. Comme  Paul. Paul  aussi  il  est  pas  bien  en  ce  moment.  Peut-être  que l’éditeur leur fait peur à eux aussi. Il crie beaucoup l’éditeur. En même temps, faut dire que Paul et Guy parfois ils le méritent. Mais j’aime pas quand il crie.

La vue est plutôt sympa.

Guy  et  Paul  on  dirait  moi  avant. Mais  moi  maintenant  je  vais  mieux. Avant c’était terrible. Je me souviens plus de tout. Mais il paraît que c’était terrible.

C’est vrai que c’est haut quand même.

Aujourd’hui ça va. Et puis j’aide Paul et Guy alors c’est bon. Et puis eux ils sont gentils avec moi. Ils me font confiance. Ils me donnent des choses à faire et comme ça je leur donne un coup de main. Mais ils se parlent plus beaucoup tout les deux.
Sauf en criant.

Ça y est, l’autre m’a vu. Il est de pire en pire. Et l’autre ça doit être pareil. Ou pire.

Pourtant j’aimerais bien qu’ils se réconcilient. Mais quand je leur en parle, ils me frappent. Je sais bien que c’est pour rire, mais ça fait mal quand même. Et puis quand je leur demande d’arrêter, ils rient encore plus. Et ils frappent encore plus. Et encore plus fort. 

Qu’est-ce  que  je  regrette  le  plus ?  Allez  savoir.  Le  gang  des  mexicains,  les  putes mineures, les suppositoires de cocaïne, j’ai fait beaucoup de choses…

Mais bon, un jour tout sera comme avant, et puis on rigolera bien de toutes nos bêtises ! Je l’espère en tout cas, parce que moi ils me manquent. Ils me manquent Paul et Guy. Ils me manquent vraiment.

Non franchement, c’était rarement jo-jo à voir. Et encore moi j’ai eu un arrêt forcé.
Eux,  après  leur  rencontre  avec  Monsieur  Y.,  fallait  les  voir.  C’était  carrément dégueulasse.

Oh non, qu’est-ce qu’il a Guy ? Il vomit encore ? Mais j’ai pas de seau sous la main, comment je vais faire ? Faudrait que je descende en chercher un.

VA TE FAIRE FOUTRE ! VA TE FAIRE FOUTRE ! JE TE BAISE ! JE VOUS BAISE TOUS ! TOI, L’AUTRE ENCULE, L’EDITEUR, ALLEZ CREVER ! ALLEZ CREVER !

  Oh, il est tombé ! Il faut que…

Moi  aussi  je  tombe. Regarde  moi  bien  fils  de  pute. Regarde  quel  est  ton  destin. Regarde ce que je suis devenu. Regarde ce que tu vas devenir. Parce que c’est ça qui t’attend. Crever à petit feu comme un chien, embourbé dans ta merde. Incapable de te suicider correctement. Condamné parce que tu es lâche. Lâche. Espèce de.







Aïe... il faut... les... aider…






NOUVEAUX CHAPITRES :

Des obsèques de merde. Des connards opportunistes pour reprendre sa place et profiter de nous. Paul a essayé de faire partir le truc en soirée, il a payé le chauffeur en tête du cortège pour amener tout le monde dans un club pourri. Le corbillard a fait la route tout seul jusqu’au cimetière. 
Evidemment y’a pas eu de cérémonie religieuse.
On a rejoint le cimetière et le corbillard avec une heure de retard, alors que le cercueil était déjà enseveli.

Enfin je dis « on ». Je devrais dire « ils ».
J’ai refusé d’y aller.
Je refuse d’y aller.  

Je suis resté chez nous.
J’étais sobre.
Presque.
Je ne réfléchissais pas, j’attendais.
Je ne pleurais pas, ça ne voulait pas venir, alors que j’en avais envie.
Je ne faisais rien alors que je voulais agir.
Comme ne pas savoir quoi écrire dans ce putain de livre.
Avoir des trucs à dire mais ne pas savoir comment faire. Manquer de talent, manquer d’inspiration.
Se retrouver plus bas que tous ces branleurs qui sortent des livres à la con.
Je les emmerde bien profond.
Je vous emmerde à coup de milliers de dollars dont je ne sais pas quoi faire, bande d’enculés.

La page blanche.
La mort.
Je devenais plus morne à chaque heure qui passait.
Impossible de savoir quoi dire, impossible de savoir quoi faire.
Pas de putain d’éditeur à la con pour me donner une direction. Pas d’alternative. Juste un choix, presque aléatoire : face à sa mort, face à ma mort, me remettre ou me laisser porter.

Alors j’ai rassemblé mes forces.
Je ne sais absolument pas comment j’ai fais, mais j’ai réussi à trouver une bagnole.
 Intérieur cuir et tout.
J’ai retrouvé Paul. Je ne sais plus bien, mais on s’est retrouvés.
On a roulé la nuit.
On a roulé dans la nuit.
On a roulé toute une nuit.
On ne disait rien, on n’avait rien à se dire. On savait parfaitement ce que l’autre pensait. On était chacun témoin de la solitude de l’autre.
Cette solitude qui pousse à écrire, mais qui empêche de savoir quoi dire.
 Solitude physique et spirituelle.
Je me trouvais seul, dans cette difficulté vicieuse de ne pas trouver de l’intérêt aux gens.
Je me sentais bien dans la solitude mais elle m’effrayait.
Je me sentais bien avec Paul, mais il m’effrayait.


Je me sens bien avec moi-même mais je m’effraie.

Guy.

On a passé 3 jours dans un motel miteux en bord de route. On glandait rien. On attendait, sans se droguer, sans boire, et je crois bien, sans se parler du tout. Paul m’a juste lâché un « Bonne nuit » le deuxième soir.
Ça m’a fait chialer putain.
La mort d’Antoine ne me faisait pas réagir, mais un « bonne nuit » murmuré machinalement m’a fait chialer comme un fils de pute.
Je pense que c’est la chose la plus rassurante qu’il ne m’ait jamais dit.
« Bonne nuit ».
Ce « bonne nuit », dans ce contexte, dans cette fuite qu’on entreprenait à deux a été une entrevue. Un bref instant de confirmation que notre relation, si poreuse, si foireuse soit elle, existait bel et bien.

Je me suis longtemps rattaché, dans mes moments de doute, à ce « bonne nuit ».

Ce quatrième jour a été une journée plus banale.

Alors qu’on avait prit soin de notre belle chambre avec « lit double, salle de bain et la télévision avec le satellite, mon mari l’a réglé hier avec mon neveux, lui il connaît mieux la technologie. Ces jeunes vous savez ils sont… pardon ? Ah oui vous pouvez payer par carte, mais ne faites pas de coup de pute bande de merdeux », comme l’avait décrit la vieille pute de l’accueil, la porte a été défoncée.
Enfin plutôt un genou est passé à travers. J’imagine qu’ils planifiaient de péter la serrure et que l’ensemble se barre avec. Heureusement qu’on était dans un putain d’hôtel de merde : le bois a cédé en premier.
Ce détail, combiné à la relative absence de produits illicites dans mon corps m’a permis de rapidement prendre conscience de la situation : il était tôt, et des connards voulaient nous surprendre dans notre sommeil.
Quelqu’un nous avait retrouvé.
Sortant du lit, j’ai balancé la seule chaise présente dans la chambre en visant le genou du gars. Elle s’est pétée contre la poignée, ouvrant alors la porte.

Durant ce laps de temps, correspondant aux quelques secondes qu’ont eu les gars pour comprendre pourquoi la porte était ouverte, j’ai pu apercevoir Paul se barrant par la fenêtre.
Du coté de la porte, 3 connards sont rentrés dans la chambre, alors qu’un quatrième tentait vainement d’extraire sa jambe de la porte. Ils étaient asiat, et armés.
J’ai couru à la fenêtre, et sans réfléchir, j’ai plongé. Alors que je me bouffais le béton recouvrant le parking, me rappelant à l’occasion que notre chambre était au rez-de-chaussée, Paul parvenait à faire démarrer la voiture.
Je me suis relevé, la bouche en sang, et en insultant les connards encore dans la chambre.
J’ai réussi à monter dans la voiture.

Par une combinaison de multiples actions aléatoires, et de hasards chanceux, nous venions alors de résoudre deux problèmes : fuir des mecs armés, et quitter une chambre d’hôtel que l’on ne pouvait pas payer.

On se retrouvait donc, à poil, sans avoir eu le temps de s’habiller, en fuite dans une voiture dont je ne me souvenais pas des conditions de son acquisition.

Comment Paul a fait pour penser à prendre les clefs de la bagnole avant de sauter par la fenêtre ?

Il n’y a pas pensé.
On les avait oubliés sur le contact de la voiture, trois jours avant, laissant ainsi les portières ouvertes.

Une combinaison de multiples actions aléatoires, et de hasards chanceux : la vie.

Guy.

Normalement c’est dans ces moments là que tu fais le point sur ta vie.
Tu te fais une bouffe avec tes amis, tu parles aux personnes que t’aimes, ta famille, tu vas à la campagne, tu repenses à ce que t’as fais de bien, ce que tu veux changer.
On n’avait rien de tout ça.
Je faisais tout pour oublier.
« Ce moment là » correspondait pour moi à une demi-décennie, depuis la sortie de 57.

Alors on a repris la route. Tous deux à poil. Sans rien.
Juste un portable, en évidence sur la banquette arrière, qui sonnait en boucle, et que je n’avais jamais remarqué.
Parfois, Paul mettait la radio. Je n’écoutais pas.
On se sentait un peu comme deux trous du cul, on savait pas quand, ni où s’arrêter.
On avait ni vêtement, ni argent.

Un moment j’ai sursauté : Paul venait de rentrer dans la voiture, il avait claqué la portière.
Il était richement habillé, et m’apportait des vêtements.
Un costard à la con. Je ne pensais plus jamais en porter, mais j’étais bien obligé.
Voyez-vous, j’ai jamais été très fort pour imaginer correctement mon futur.  
J’avais même pas réalisé que la voiture s’était arrêtée.

Quand on s’est à nouveau arrêté, quelques dizaines de minutes plus tard, c’était pour manger. Paul m’a fait rentrer dans un grand restau. Avec maitre d’hôtel et toutes ces conneries.
Un quartet, dans un coin du restau. Personne n’osait parler. Je ne savais absolument pas où on était.
On a mangé. A un moment on a été un peu surpris : une guitare électrique s’est ajoutée au quartet. On y a plus prêté attention.
On Dinait ? Déjeunait ? Je me souviens plus.
On a même un peu parlé avec Paul.
C’était sympa. 
C’est moi qui ai lancé :
« C’est bon c’que tu bouffes ?
- ca va.
- C’est quoi ?
- Chais pas.
- Tu te souviens qu’on ait commandé ?
- non.
-comment on paye ?
-…
Il s’apprêtait à répondre un truc, quand un serveur s’est ramené.
« Monsieur me fait dire que vous n’aurez rien à payer et vous fait parvenir sa carte.
- C’est qui monsieur ? demande Paul.
J’ai pris sa carte, en lettres dorées y’avait écrit : « sir apothicaire », avec un numéro de téléphone.
- Vous devez le connaitre sous le nom de Monsieur…
Je crois qu’il n’a pas eu le temps de finir sa phrase.   
Je l’ai coupé en soupirant.
« C’est quoi ces conneries encore ?
- Monsieur me fait aussi dire qu’il est très occupé, que c’est un numéro privé, mais qu’en cas d’urgence ou de besoin important vous pouvez le… »
Troisième phrase que le serveur ne pouvait pas finir.
Paul avait saisi la carte. Il avait déjà composé le numéro de téléphone.
Personne n’osa parler alors que les sonneries se faisaient faiblement entendre.
Jusqu’à ce qu’une voix, relativement familière, résonna :
« -Allo ?
- Allez-vous faire foutre. ».    

 Paul a raccroché. On a prit le pinard, et un plateau de sushis, et on s’est barré du restau avec.

Guy.